Nous ne voulions pas laisser le dossier du Samu social, dont l'état est très préoccupant, inquiétant, aussi inquiétant que le nombre des personnes obligées de vivre dans la rue, sans nous rapprocher d'Olga Trostiansky, élue du 10e mais aussi adjointe au Maire de Paris, chargée du lourd dossier de la solidarité, de la famille et de la lutte contre l'exclusion. On est là au coeur du problème. La toute première des exclusions n'est-elle pas d'être privé d'un toit, d'un lieu de vie ?
Xavier Emmanuelli dans l'interview accordée à Charlie Hebdo dans son numéro de mercredi, met en cause la "gueguerre" que se livrent l'Etat et la Mairie en ces termes :"c'est comme dans le dessin animé de Tex Avery, tout le monde se refile le bâton de dynamite avant qu'il pète. On est dans le "c'est pas moi, c'est toi" : c'est du ressort de l'Etat, non, c'est celui de la mairie. Ils se tirent dans les pattes, ils n'ont pas les mêmes objectifs, c'est à celui qui ne paiera pas ou, au contraire, qui se dira le plus généreux...."
Nous avons donc demandé à Mme Trostiansky si elle percevait ce que le fondateur du Samu social appelle la verticalité des services d'aide, à savoir le social parle au social, pas à la psychiatrie, ni à la médecine, ni à l'économie. On s'oriente vers un abandon de l'hébergement d'urgence, alors qu' "un homme qui a fait vingt ans de rue, qui n'a connu que le stress, l'alcool, le mépris, s'enferme dans une autre définition de l'être." Il souligne que "L'urgence sociale est une notion transversale qui demande d'abord une définition médico-psycho-sociale que tout le monde n'est pas prêt à assumer."
Les politiques de terrain que sont les élus locaux sont confrontés aux pétitions des habitants, aux rejets, à l'égoïsme ambiant... On sent Xavier Emmanuelli ulcéré par le regard fuyant que nous portons sur la pauvreté. Personne ne veut de centre d'hébergement à côté de chez soi. "Les gens sont à l'abandon. Ils font partie du mobilier urbain et c'est seulement en hiver qu'on s'en souvient. On met des tentes, on trouve des figurants, après on démonte les tentes, mais les figurants restent. Les gens peuvent crever, c'est dans le scénario de la pauvreté." Connaissez-vous dans vos fonctions le type de rejet qu'évoque Xavier Emmanuelli ? Est-ce difficile de convaincre ?
Olga Trostiansky : Globalement, les Parisiens sont solidaires et manifestent concrètement leur solidarité. Ce n'est pas pour rien que le Samu social a été créé à Paris par Xavier Emmanuelli. Nous avons choisi de répondre très directement aux craintes ou aux peurs lorsqu'elles se manifestent. Ainsi, la fédération nationale des associations de réinsertion sociale, missionnée par la Ville va à la rencontre des conseils de quartiers qui s'interrogent sur les sans abris, les associations gestionnaires de centre viennent également souvent expliquer leur projet aux voisins avant l'ouverture. Les centres d'hébergement rencontrent lors de leur construction les mêmes difficultés que les immeubles de logements sociaux ou les nouveaux équipements !AB : La précarité est devenue une donnée constante. Le nombre des sans logis n'a cessé de s'accroître ces dernières années. Faut-il en effet trouver des solutions différentes ? Et surtout ne faut-il pas les adapter aux besoins ? Une famille expulsée de son logement pour défaut de paiement de son loyer n'a pas les mêmes besoins qu'un jeune migrant sans toit. Pour elle, le projet de Benoist Apparu peut sembler adapté. Reste à connaître précisément les besoins. Pour l'instant, ce qu'on constate c'est beaucoup de monde à la rue. Qu'en pensez-vous ? Le logement selon le projet gouvernemental peut-il être une autre réponse à la précarité ? au moins épauler ceux qui ne relèvent pas d'aides d'urgence plus lourdes ?
Olga Trostiansky : Il existe en effet une pluralité de situations chez les personnes sans logement : certains peuvent très rapidement occuper un logement, d'autres ont besoin d'un soutien quotidien car ils rencontrent des grandes difficultés. Il ne faut pas oublier également que les droits ne sont pas les mêmes : sans régularité du séjour, l'accès au logement social n'est pas possible. C'est une palette de solutions qui doit être déployée : le Gouvernement a choisi de supprimer des places d'urgence, pour les familles, pour les malades du SIDA, elles n'ont pas été remplacées par des logements.AB : On oublie de parler des travailleurs pauvres dans ce dossier. Certains SDF travaillent et dorment malgré tout à la belle étoile. Les prix astronomiques des loyers parisiens, que beaucoup de salariés ne peuvent pas régler, surtout s'ils se retrouvent explusés pour x raisons, ne jouent-ils pas un rôle dans le nombre croissant des personnes à la rue ? Le logement social aura du mal à résorber le nombre de demandeurs.
Olga Trostiansky : C'est la raison pour laquelle Bertrand Delanoë a demandé au Premier Ministre un dispositif d'encadrement des loyers et plaide sans cesse pour que des logements sociaux soient construits dans toute l'Ile de France. Certaines communes ne se sont pas mises en situation d'offrir 20% de logements sociaux sur leur territoire et préfèrent payer des amendes. Le déficit de logements sociaux sur la région est un facteur d'exclusion non négligeable, même s'il n'est pas le seul.