«Le plus sidérant dans ce constat, c'est qu'il n'a pas été rendu public plus tôt ! Comme si, par la seule magie de son verbe, Bertrand Delanoë avait réussi à occulter la réalité et faire en sorte qu'elle ne le rattrape jamais. Il faut dire que ce travail de travestissement est quasi permanent et par conséquent difficile à suivre, comme l'a constaté avant moi Sophie Coignard qui, dans son livre Le Marchand de sable, décrit la mairie de Paris et sa direction de la communication comme une véritable usine à intox ».
Ainsi commence le chapitre 8 du livre de Dominique Foing, Comptes et légendes de Paris, bilan de la Gestion Delanoë publié aux éditions Denoël. A elles seules, ces quelques lignes résument l'esprit du livre, une analyse fouillée et sans concession de la gestion de Bertrand Delanoë et de son équipe. Pas très loin du brûlot !
Dominique Foing n'est pas un inconnu pour ceux qui suivent l'actualité parisienne. Il a été candidat aux municipales de 2001 sur la liste Vive le 10e, une liste indépendante, avant d'adhérer au PS pour quelques années. Il a suivi l'actualité parisienne, a mené l'enquête sur beaucoup de sujets et nous propose le résultat de tout cela dans son livre. Il ne s'agit pas ici d'un livre écrit par un opposant systématique mais plutôt d'un déçu de Delanoë. Ses références vont plutôt vers les écolos et la gauche en général que vers l'opposition municipale actuelle.
Quand il s'agit de critiques, il convient de tester les informations publiées. Dans le chapitre consacré à la politique culturelle de la Ville, Dominique Foing parle du Louxor. Sa description des évènements et de la situation actuelle reflètent bien la réalité. Pour avoir aussi fréquenté l'association Macaq dont il est longuement question dans le livre, nous pouvons affirmer que les informations publiées sont honnêtes et donc, nous n'avons pas de raison de douter de la véracité des autres informations contenues dans le livre.
Dominique Foing est convaincant sur certains sujets, moins, voire pas convaincant, sur d'autres.
Les chapitres les moins probants touchent aux transports et aux logements sociaux. Des choix politiques ont été faits par le maire de Paris. On peut certes les critiquer mais il n'en reste pas moins que des avancées ont eu lieu dans ces domaines. L'accord avec Decaux concernant Vélib' peut à juste titre être dénoncé mais il n'empêche que la mise en place du système de vélos en libre service est un changement positif pour Paris. Prêter pour ce projet à Bertrand Delanoë des arrière-pensées électoralistes suite à l'échec de l'attribution des Jeux Olympiques à Paris ne change rien à la question. Velib' est là et les Parisiens semblent en être satisfaits.
Les questionnements arrivent avec les sujets liés à la gestion du personnel de la Ville de Paris, de la gestion des stades et du sport en général et du respect de l'éthique.
Les faits énoncés par Dominique Foing sont troublants et ne manquent pas d'interpeler le lecteur. Gestion du projet du stade Jean Bouin, de l'extension de Roland Garros, des avantages accordés sans réelle contre partie au personnel de la Ville, etc. … Sans parler des différentes mises en cause du maire lui-même dans certaines affaires dont la presse ne s'est pas préoccupée.
Là où le livre est le plus dur et aussi le plus pertinent touche la politique culturelle d'une part, les liens entre Bertrand Delanoë et certains promoteurs, surtout Unibail d'autre part.
Les échecs de la politique culturelle parisienne sont largement décrits. Le 104, la Gaité Lyrique, la Maison des Métallos pour ne citer que les plus emblématiques ont bien mal démarré, sans parler des lourds investissements financiers. Pour des Nuits Blanches qui certes trouvent un public de plus en plus nombreux, les projets de prestige qui devaient relier la création et le public sont des opérations qui se chiffrent en millions, voire en centaines de millions d'Euros. Dominique Foing affirme que Bertrand Delanoë a confondu politique culturelle et communication, culture et art contemporain. Sur ce point, certains lui donneront raison. Notons au passage qu'il affirme que le projet de réhabilitation du Louxor dont le budget officiel est de 30 millions d'€ devrait en fait se monter à 50. Rien ne vient étayer cette affirmation.
Enfin, les relations du maire avec Unibail sont le plus terrible réquisitoire contre sa gestion du domaine public. Projets entrecroisés (Halles, Tour Triangle), cessions au privé du domaine public sans contre parties, tout y passe chiffres à l'appui et c'est terrible pour le maire actuel.
Dominique Foing fait travail salutaire. « Intoxiqués » (c'est son mot) que nous sommes par la communication permanente de la Mairie de Paris et par Bertrand Delanoë lui-même, un travail fouillé avec une approche rigoureuse nous montre une réalité ignorée par la très grande majorité des Parisiens. En cela, il fait un travail fort utile pour la vie démocratique.
Comptes et Légendes de Paris
Bilan de la gestion Delanoë
Dominique Foing
Editions Denoël
17€
Commentaires
En effet, la politique culturelle est désincarnée et semble ne répondre hélas qu'à des impératifs de communication. Ne nous voilons pas la face: la qualité artistique des nuits blanches est très souvent discutable, elle est même souvent consternante.